L’énergie photovoltaïque et la facture d’électricité (III)

L'énergie photovoltaïque et facture d'électricité (III)Une grande partie de l’argumentation sur laquelle se fonde le rapport de l’IGF (mission dirigée par M. Jean-Michel Chapin) repose sur une affirmation simple : l’explosion du photovoltaïque en France fait peser sur le portefeuille des Français un risque majeur.

Le rapport n’explique pas pour quelle raison ce risque n’a pas été identifié ni par l’Allemagne (avec son marché photovoltaïque 40 fois plus développé), ni par l’Espagne (12 fois plus développé), ni par le Japon, (10 fois plus développé), ni par les Etats-Unis (6 fois plus développé), ni par l’Italie (4 fois plus développé), ni par la République Tchèque (2 fois plus développé), ni par la Belgique (1,5 fois plus développé).

Il convient donc de remettre un peu en perspective cette assertion et d’en étudier plus précisément les tenants et les aboutissants.

Il existe en fait 3 approches différentes d’évaluer l’éventuel surcoût de l’énergie photovoltaïque en France, surcoût affectéà la CSPE(1) payée par tous les consommateurs d’électricité en France :

-Un calcul basique de hausse de cette CSPE en fonction des scénarios retenus, à comparer avec les hausses de tarifs imposées par les autres énergies (en particulier le nucléaire),

- Un calcul réaliste qui repose sur les mêmes hypothèses, mais dans un environnement de hausse annuelle du prix de l’énergie, fixée par la loi,

- Un calcul analytique du surcoût du photovoltaïque en évaluant de manière plus précise le coût de référence à retenir.

Et ces 3 méthodes de calcul aboutissent à la même conclusion : non seulement l’enjeu de la filière photovoltaïque dans l’augmentation de la facture d’électricité des français est minime (de 0,4 à 1,2% par an selon les scénarios), mais elle est surtout dérisoire par rapport aux augmentations du tarif qui sont demandées chaque année par EDF de façon à financer les surcoûts exorbitants de la filière nucléaire sans diminuer sa rentabilité boursière.

3. Calcul analytique : l’indice de référence sur lequel se fonde le calcul du surcoût du photovoltaïque doit être retravaillé afin d’avoir une approche plus cohérente avec la réalité de cette production d’électricité et de ses concurrentes

Les deux précédents calculs ne remettent pas en cause la méthode de calcul, alors même qu’elle semble erronée à plusieurs égards :

- En sur-estimant le coût du photovoltaïque d’une part,

- En sous-estimant le prix de référence d’autre part.

Sur le premier point
, le surcoût est en effet généralement (et en particulier dans le rapport Charpin) calculé par rapport au prix de gros de l’électricité, ce qui comporte 2 inconvénients :

- Il ne prend pas en compte le fait que 70% de l’électricité photovoltaïque produite sur une année coïncide avec des périodes de pic de consommation, c’est-à-dire à des moments où le prix de l’électricité n’est pas de 56€/MWh (hypothèse retenue par le rapport) mais de l’ordre de 160 €/MWh, ce qui n’est plus très éloigné du coût estimé du MWh photovoltaïque (de l’ordre de 200€/MWh pour une installation au sol),

- Il ne prend pas en compte le caractère décentralisé de cette énergie, c’est-à-dire le fait que la production photovoltaïque est souvent consommée localement ; en retirant du calcul de la CSPE une partie des coûts afférents au transport de l’électricité, Hespul (6) estime que l’impact financier serait instantanément réduit de 10 à 13 % ; sans compter que le TURPE est aujourd’hui facturé 2 fois au consommateur.

Le dossier d’Hespul calcule sur ces bases plus cohérentes (qui sont d’ailleurs celles retenues par la réglementation allemande) le coût réel de la filière photovoltaïque. En prenant l’hypothèse d’une réévaluation de l’objectif à 11 GWc à horizon 2020, l’impact sur la CSPE serait de 500 M€ par an entre 2011 et 2013, puis de 250 M€ jusqu’en 2020 et enfin de 0 à partir de la parité réseau.

Hespul, par prudence, ne modélise d’ailleurs pas l’impact positif sur la CSPE à partir de 2020, si l’on considère que le coût du photovoltaïque sera devenu inférieur au prix de marché.

Dans ces conditions, Hespul estime que le coût total de la filière serait de 37,4 Milliards d’Euros, pour une production de 340 TWh ; avec un prix moyen de l’électricité sur les 10 prochaines années de 0,14 €/kWh, l’excédent obtenu de 10 Milliards d’Euros pourra être déduit des factures d’électricité des Français.

Sur le second point, le prix de base retenu pour estimer le surcoût de l’électricité photovoltaïque (56€/MWh) bénéficie du coût marginal faible de la filière nucléaire française actuelle. Non seulement il ne prend pas en compte les milliards d’Euros de subventions et d’aides dont a bénéficié cette filière depuis bientôt 40 ans, mais il occulte aussi l’ensemble des investissements qui seront nécessaires au cours de ces mêmes 10 prochaines années en termes de :

  • Démantèlement des centrales en fin de vie,
  • Construction des nouvelles centrales (EPR),
  • Traitement des déchets nucléaires.

Or il apparaît aujourd’hui que sur ces 3 sujets, les coûts ont été soit totalement négligés, soit très largement sous-estimé. En témoigne l’explosion des coûts de construction de l’EPR pointée du doigt par l’Agence Internationale de l’Energie (7) et par la presse française (8)

. Selon ces sources, le prix réel de l’électricité produite par les EPR à horizon 2020 pourrait faire doubler le coût actuel. Soit un surcoût de 150 € chaque année sur la facture d’électricité de tous les Français.

Réintégrer ce surcoût dans le prix de référence permettrait de réduire sensiblement (de l’ordre de 25%) le surcoût estimé du photovoltaïque (9)
. En témoigne aussi l’absence de visibilité sur le coût réel du démantèlement des centrales en fin de vie, qui n’est que très partiellement pris en compte dans le prix de référence : EDF ne communique jamais les coûts de ces chantiers. Et pourtant le démantèlement « exemplaire » de la centrale de Brennilis en Bretagne, qui dure depuis 25 ans aurait coûté la bagatelle de 600 M€(10), ce qui fait frémir et nous donne une petite mesure de ce qui attend EDF dans les années à venir pour la vingtaine de réacteurs qui doivent être fermés.

Face à ces incertitudes majeures, le coût de l’électricité photovoltaïque, qui ne cesse de baisser depuis plus de 10 ans, présente quant à lui une visibilité claire :

  • Une durée de vie estimée à plus de 30 ans, alors que tous les coûts sont calculés sur 20 ans,
  • Des coûts de démantèlement et de réhabilitation pris en compte dès la première année (mise sous séquestre, au même titre que les carrières),
  • Des matériaux (silicium, acier, aluminium) dont le recyclage (chapeauté par l’Association européenne PV Cycle) est maîtrisé.

L'énergie photovoltaïque et la facture d'électricité (III)Le choix de rééquilibrer le mix énergétique français, en laissant émerger la filière photovoltaïque qui est l’une des seules énergies donc le coût de revient baisse de manière aussi substantielle, et qui peut, à très court terme, et de manière massive, compléter la production nucléaire, semble constituer une stratégie politique de bon sens.

La plupart des pays occidentaux ont fait ce choix, et certains mêmes ont déjà franchi le point au-delà duquel il est plus économique de produire 1kWh de photovoltaïque, qu’1 kWh de nucléaire (11). En d’autres termes, le moment où la facture d’électricité des Français diminuera grâce au photovoltaïque.

En conclusion, les critères sur lesquels se fondent la plupart des détracteurs de l’énergie photovoltaïque (et en particulier M. Charpin dans son rapport) sont faux, et tendent à occulter aussi bien les avantages économiques du solaire photovoltaïque que les incertitudes majeures et les enjeux colossaux, auxquels l’industrie nucléaire (et indirectement les contribuables français) vont devoir faire face dans les 10 années qui viennent.

Auteur :

David Guinard, Directeur Général de Photosol



Notes :

6 Rapport de l’Association Hespul, « Pourquoi et comment soutenir VRAIMENT la filière photovoltaïque en faisant VRAIMENT baisser la facture ? », août 2010
7 Costs of Generating Electricity, International Energy Agency and Nuclear Energy Agency, édition 2010 (rapport publié le 25 mars 2010). Voir en particulier le tableau 3.7.a, p. 61. Ces coûts sont calculés pour une durée d’exploitation de 60 ans, aussi hypothétique que dangereuse (aucun réacteur n’a encore atteint cet âge avancé, et les « trentenaires » comme Fessenheim et Tricastin montrent déjà de sérieux signes de fatigue).
8 « Marchés de l’électricité : EDF fait un geste pour la concurrence », Les Echos, 22 octobre 2009
9 Sur la base d’un prix de l’électricité photovoltaïque de 277 €/MWh, en vigueur depuis le 1/09/2010
10 Le Canard Enchaîné, mercredi 28 juillet 2010
11 Solar and Nuclear Costs — The Historic Crossover Solar – Energy is Now the Better Buy, John O. Blackburn & Sam Cunningham, juillet 2010

Pour en savoir + : LIRE L’ARTICLE SUIVANT

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