L’émergence du solaire photovoltaïque à concentration
Doper le rendement d’une installation solaire photovoltaïque grâce à des systèmes optiques qui concentrent la lumière reçue par chaque cellule. il suffisait d’y penser !
Développé par un nombre grandissant d’industriels, le solaire photovoltaïque à concentration laisse entrevoir de belles marges de progression.
«C’est le rachat de l’Allemand Concentrix par SOITEC en 2008 et la création simultanée de Héliotrop, qui a catalysé l’engagement du CEA dans le solaire photovoltaïque à concentration (CPV) » affirme Mathieu Baudrit, ingénieur-chercheur du CEA-Liten à l’INES.
En effet, les ingénieurs français ont commencéà sérieusement investir dans cette nouvelle filière. Elle consiste à améliorer la productivité d’une installation solaire photovoltaïque en augmentant la quantité d’énergie lumineuse reçue par surface de la cellule : des systèmes optiques concentrent la lumière et la cellule reçoit l’équivalent de plusieurs soleils. Bien entendu, cela n’empêche pas de profiter des progrès intrinsèques des cellules. C’est d’ailleurs leur niveau de performance atteint vers la fin des années 1990, en constante augmentation, qui ont poussé les industriels, comme Isofoton ou Amonix, à s’intéresser au CPV.
D’autres firmes sont nées, SolFocus ou Abengoa Solar, pour développer toute une gamme d’installations de puissances variées.
L’énergie lumineuse démultipliée
Les systèmes les plus simples sont des panneaux photovoltaïques conventionnels auxquels sont accolés des miroirs plans. Ils concentrent de 2 à 10 fois la lumière solaire, fonctionnent avec des cellules «classiques » et conviennent à des installations de faible puissance. Les centrales plus importantes – certaines atteignent 150 MW – utilisent des dispositifs optiques sophistiqués, comme des miroirs cylindro-paraboliques, des lentilles de Fresnel ou de grandes paraboles, qui concentrent jusqu’à plusieurs centaines de fois la lumière. Pour être constamment orientées vers le soleil, ces optiques sont installées sur des structures mobiles guidées par des appareils qui détectent l’astre et suivent sa course : les trackers.
L’ensemble est complexe et coûteux, mais assure en retour un éclairement quasi constant des cellules en journée, donc une production électrique soutenue, contrairement aux installations fixes qui présentent un étroit pic de production lorsque le soleil passe à la perpendiculaire du capteur.
Les cellules à l’épreuve de plusieurs soleils
Tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Par exemple, les cellules supportent mal les hautes températures qui affectent leur rendement et leur durée de vie. C’est aujourd’hui un axe majeur de R&D. De même, la fiabilité des installations et l’intégration des différents éléments font l’objet de recherches actives. C’est sur ce dernier aspect que le CEA base sa stratégie : « Les industriels spécialistes des cellules, des optiques ou du tracking font très bien leur métier. Nous venons en soutien en leur proposant ce qui fait notre force : l’accès simultanéà toutes les disciplines, qui nous donne une vue d’ensemble du système » explique Mathieu Baudrit.
Une vision loin d’être anodine : il n’est pas rare en effet d’augmenter le rendement global d’une technologie de plus de 10% en améliorant l’intégra-ion de ses éléments !
Des innovations testées en conditions d’exploitation
Outre l’optimisation des centrales, le CEA travaille sur leur durée de vie en conditions d’exploitation, un aspect hors de la portée des partenaires industriels. L’INES met alors à profit ses enceintes de vieillissement accéléré ainsi que le site de tests en extérieur à Cadarache. Chaque projet se déroule peu ou prou selon le même scénario. Un dispositif «témoin », représentant l’état de l’art, est d’abord installé.
Puis, à chaque étape du développement, un autre dispositif, intégrant la nouveauté développée entre le partenaire industriel et le CEA, est implanté sur le même site. Et ce jusqu’à la fin. Cela permet à tout moment une comparaison réelle en termes de rendement et de production d’électricité. Aujourd’hui, le « record » de rendement de modules CPV est de 33,9 %, contre 20 % au mieux pour le photovoltaïque conventionnel. Jusqu’où pourra-t-on aller ? «On devrait atteindre 36 % avec les cellules actuelles. Mais une nouvelle génération de cellules arrive, et devrait assurer encore dix ans de progression jusqu’à 40 voire 50 % de rendement au niveau des modules» estime le chercheur.
Quelles cellules pour le photovoltaïque de demain ?
Elle est le cœur du système photovoltaïque, là où la lumière se transforme en courant électrique.
La cellule est composée de la jonction de deux couches de matériau semi-conducteur, l’une riche en électrons, dite N (négative) et l’autre pauvre, dite P (positive). Cette jonction crée un champ électrique où peut naître un courant si de l’énergie lumineuse arrive. Les meilleures cellules commercialisées aujourd’hui ont un rendement de 22 % (le maximum théorique étant de 30 %). Toutes, ou presque, sont en silicium, sous forme monocristalline pour les meilleures – et les plus chères à produire.
Comment aller au-delà ? Tout d’abord en multipliant les jonctions dans une même cellule. On trouve sur le marché des cellules à triple jonction d’un rendement de plus de 43 % (maximum théorique de 49 %) ; ce sont elles qui sont utilisées pour le photovoltaïque à concentration.
La prochaine génération, imminente, aura 4 jonctions mais les laboratoires étudient déjà des versions à cinq ou six (maximum théorique 65 %)1. Pour ces nouvelles architectures, le silicium laisse peu à peu la place à de nouveaux matériaux, dits III-V car ils sont composés d’éléments des colonnes III et V du tableau de Mendeleïev. D’autres voies, du domaine de la recherche fondamentale, sont explorées : utilisation de nanomatériaux pour des empilements de couches très minces, travail sur la géométrie de surface de la cellule afin de capter plus de lumière, etc.
[ src : defi du CEA n° 174 ]
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