Baromètre Observ’ER 2011 : où en est la filière photovoltaïque ?
Observ’ER a publié la deuxième édition du baromètre des filières renouvelables électriques en France et Enerzine se propose de reprendre durant les prochains jours une thématique différente et détaillée de cette étude.
La filière photovoltaïque
En 2010, plus de 700 MWc de nouvelles capacités photovoltaïques ont été mis en service en France. Durant cette seule année a été installé quasiment le double de la puissance totale implantée dans le pays jusqu’alors. Au 30 juin 2011, la France comptait 1 679 MWc connectés au réseau, auxquels s’ajoutent près de 29 MWc d’installations hors réseau.
Ce parc classe la France au cinquième rang européen avec toutefois un gros retard sur des pays comme l’Espagne (3 808 MWc), l’Italie (3 478 MWc) et surtout l’Allemagne (17 370 MWc fin 2010 2).
Le graphique ci dessous montre que depuis le lancement de la filière au milieu des années 2000, le secteur a connu un taux de croissance annuel moyen de 58 %.
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En métropole, six régions se répartissent plus de 65 % de la puissance totale : Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes. On notera le faible résultat de la Corse qui ne correspond pas à son potentiel d’ensoleillement. L’île est toutefois relativement peu peuplée et l’architecture traditionnelle de bon nombre de ses bâtiments ne facilite pas la diffusion de panneaux sur les toits.
Sur le plan de la seule comptabilitéénergétique, le bilan national 2010 est très bon. Pourtant, l’année a laissé un mauvais souvenir aux acteurs et défenseurs de la filière.
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En moins d’un an et demi, le secteur a connu trois révisions des conditions tarifaires d’achat de l’électricité et s’est vu imposer un moratoire qui a interrompu sa dynamique de croissance (voir graphique ci-dessus).
À l’origine des actions de l’État, un constat partagé par tous : les conditions d’aide à la filière mises en place depuis mi-2006 ont engendré une bulle opportuniste attirant un certain nombre d’acteurs intéressés par des objectifs de nature financière et fiscale. La période allant de juillet 2006 à fin 2009 a été celle d’une exceptionnelle croissance, alimentée par un tarif d’achat équivalant à celui de l’Allemagne et par un crédit d’impôt de 50 % pour les particuliers. Parallèlement à l’installation massive de systèmes photovoltaïques, le secteur fait face à plusieurs difficultés : l’engorgement des demandes en attente de raccordement, le questionnement sur la part du photovoltaïque dans la CSPE, et des médias qui diffusent de nombreux témoignages et reportages sur des installateurs opportunistes et non compétents. Tout le monde s’accorde à dire que le secteur est en ébullition. Les acteurs entament alors un dialogue avec l’État pour se concerter sur les actions correctives à mettre en œuvre.
À la sortie du moratoire en mars 2011, le sentiment qui prédomine parmi les acteurs est la colère de n’avoir pas été entendus. La brutalité du revirement gouvernemental a été très mal perçue. Les acteurs ne comprennent pas les volte-face du gouvernement. Aucun des points d’accord importants issus de la concertation engagée début 2011 au sein de la commission présidée par M. Charpin et M. Trink n’a été retenu dans les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement.
Un cadre réglementaire extrêmement ajusté
La DGEC publie une nouvelle grille tarifaire extrêmement complexe accompagnée de restrictions réglementaires très contraignantes. Les tarifs de référence, réduits globalement de 20 %, dépendent désormais de la puissance de l’installation, du type d’intégration des panneaux et du type d’usage du bâtiment. Seules les installations ne dépassant pas 100 kWc pourront y prétendre (le plafond précédent était de 12 MWc). Au-delà, un système d’appels d’offres est mis en place. Pour des puissances d’installation comprises entre 100 et 250 kWc, le gouvernement a opté pour un appel d’offres simplifiéà l’issue duquel l’industriel proposant le plus bas prix de vente de l’électricité produite sera retenu. Au-delà des 250 kWc, la désignation des lauréats prend en compte d’autres critères que le prix de vente de l’électricité. Ces nouvelles dispositions sont très contestées par les industriels, qui redoutent une recrudescence de l’utilisation du matériel de mauvaise qualité.
Le tableau ci-dessus présente la nouvelle grille tarifaire imposée à la filière à partir de mars 2011 et la compare avec la précédente (septembre 2010). Le tarif le plus élevé est de 46 c€/kWh mais il n’est accessible qu’à une catégorie bien précise d’installations : les réalisations dans le résidentiel avec des panneaux intégrés au bâti et d’une puissance inférieure à 9 kWc. Les segments de marché les moins touchés par la décote sont ceux des installations sur les bâtiments d’habitation, d’enseignement ou de santé. Pour les grandes toitures et les centrales au sol, le kilowattheure sera acheté 12 centimes. Ce tarif est plus bas qu’en Allemagne où les volumes de marché pour ces types de réalisations sont bien plus importants qu’en France.
Les tarifs français restent cependant très favorables à l’intégration au bâti. Le recours systématique à l’intégré au bâti en France est très critiqué par les professionnels. D’un point de vue architectural, l’intégration est effectivement la meilleure solution, mais dans la plupart des cas, une simple surimposition en toiture est plus adaptée techniquement, notamment au niveau de l’étanchéité, et est par ailleurs plus économique. La France reste l’un des seuls pays européens à chercher à développer ce type d’installation. Le savoir-faire français en la matière n’a pour l’instant pas pu s’exporter.
Dernier point, et non des moindres, la nouvelle grille est ajustée tous les trimestres en fonction du volume de projets déposés en attente de raccordement. La dernière colonne du tableau 1 présente la grille pour la période d’octobre à décembre 2011.
Un parcours administratif long et incertain
Des appels d’offres à partir de 100 kWc et des tarifs révisables tous les 3 mois enlèvent toute visibilité aux acteurs et complexifient un parcours administratif déjà bien encombré. Selon le projet européen PV Legal, il s’écoulerait entre 39 et 220 semaines (respectivement pour les installations résidentielles et pour les parcs au sol) entre le début d’un projet et l’injection des premiers kilowattheures sur le réseau ! L’étape la plus longue est le traitement du dossier de raccordement par le gestionnaire de réseau. Un délai de deux mois a été institué par la loi Grenelle 2 pour le raccordement des installations de moins de 3 kWc mais rien n’a été défini pour les autres types d’installations.
Le cadre réglementaire a ainsi été ajusté au plus près de manière à pouvoir contrôler le développement de la filière dans la stricte ligne de conduite des objectifs de 500 MWc annuels (150 MWc pour les particuliers, 150 MWc pour les grandes toitures et 200 MWc pour les centrales au sol) et de 5 400 MWc à fin 2020. Le secteur qualifie ce seuil annuel de « malthusien ».
En effet, il bride énormément son potentiel de développement énergétique et économique.
Quel avenir pour une filière en pleine crise de confiance ?
Aujourd’hui, le développement du photovoltaïque français subsiste par la seule inertie des dossiers déposés en 2010, avant le moratoire. Si les chiffres de la puissance raccordée au réseau électrique au cours du premier semestre 2011 sont de 599 MWc (soit 143 % de plus qu’au premier semestre 2010), il est certain que ce rythme va rapidement ralentir dans les mois à venir. Les acteurs témoignent de la baisse sensible de leur activitéà partir de la fin de l’année 2010, qui s’est accentuée au second semestre 2011. C’est le segment des particuliers qui illustre le mieux ce malaise. Ce créneau de marché, pourtant épargné par le moratoire et moins touché au niveau des tarifs que d’autres, est aujourd’hui en fort recul. Les revers essuyés par la filière et le battage médiatique autour des opportunistes du photovoltaïque ont porté un coup sévère à l’image de la filière auprès du grand public. La pente sera longue à remonter.
Plus de 24 300 emplois en 2010 pour un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros Fin 2010, l’industrie française photovoltaïque représentait plus de 24 300 emplois dont 6 700 dans la production industrielle, près d’un millier dans la recherche et 16 000 dans l’installation et l’exploitation.
Plus de 90 % de ces emplois ont été créés au cours des 4 dernières années durant lesquelles le secteur a vu ses effectifs croître de 19 % en moyenne par an.
La vigueur du secteur s’est également traduite dans son chiffre d’affaires. L’Ademe estime qu’en 2010 le photovoltaïque a généré une activité de 4 695 millions d’euros, soit plus de trois fois le chiffre de 2009 et seize fois celui de 2007 !
90 % de cette activité sont liés à la partie industrielle, qui est surtout animée par des entreprises étrangères (allemandes, américaines et asiatiques). C’est là un point de critique souvent repris : l’activité profite pour une bonne part à des firmes non françaises. Mais cette situation n’est que le résultat du retard pris par la France en matière industrielle.
Destruction d’emplois en 2011
Pour 2011, les premières évaluations font état d’une destruction d’emplois. Les nouvelles mesures de mars 2011 et le moratoire ont brisé la dynamique de croissance. Il est encore trop tôt pour pouvoir estimer précisément ces pertes, mais elles se comptabiliseront probablement en milliers. Les petites entreprises sont les plus touchées par la crise actuelle. N’ayant pas la possibilité de se replier sur une autre activité, elles n’ont pas d’autres choix que de procéder à des licenciements. La longueur des délais avant la mise en service des installations rend les appels d’offres peu accessibles aux petites structures. En termes de production industrielle, des procédures comme les Pass’Innovation ou les Avis techniques du CSTB apportent effectivement des garanties aux clients mais génèrent des coûts et des délais supplémentaires.
Les grandes entreprises ont eu plus de facilitéà se retourner et ont pu continuer à se développer en se tournant notamment vers les marchés étrangers. Total a par exemple pris des participations dans plusieurs start-up américaines spécialisées dans l’amont de la filière, et finance à hauteur de 20 % la plus grande centrale solaire à concentration jamais construite, à Masdar City, dans l’Émirat arabe d’Abou Dabi. De son côté, Saint-Gobain développe des sites de production de matériaux dédiés à des applications photovoltaïques (surtout situés à l’étranger, notamment en Espagne) et a pris des participations dans une société américaine spécialisée dans les films solaires : Bekaert.
La France conserve un atout, ses efforts de R&D
Aujourd’hui, avant d’être énergétique, l’enjeu est industriel : il s’agit de savoir quels sont les pays en position d’être les futurs exportateurs de panneaux dans le monde et la France n’en prend pas le chemin.
La recherche et développement pourrait permettre à la France de revenir sur le devant de la scène. Cette activité est l’un des points forts de la France, qui dispose de pôles de compétitivité regroupant des acteurs publics et privés. Le défi à relever consiste à déposer des brevets pour l’amélioration des performances et la fiabilité des systèmes. L’offre française pourrait alors se démarquer de la concurrence, notamment asiatique. C’est dans cette démarche de qualité que s’insère le label AQPV. L’autre piste, plus ambitieuse, est d’anticiper les futures ruptures technologiques. Le gouvernement a ainsi retenu deux projets labellisés par le pôle de compétitivité Tenerrdis : Alliance concept pour le projet Pro-CIGS, un équipement clé en main pour la production de cellules en couches minces ; Ardeje pour le projet Sfumato, une nouvelle génération de cellules photovoltaïques organiques.
Rendez-vous mi-2012
Sans doute conscient des effets des nouvelles règles sur le marché, le Premier ministre a donné rendez-vous à la filière mi-2012, date à laquelle une nouvelle programmation pluriannuelle des investissements sera établie et où de nouveaux objectifs pourront être définis. D’ici là, les PME, qui regroupent une bonne part des emplois photovoltaïques en France, vont devoir se battre pour survivre. Pour préserver leur activité, les représentants de la filière réclament plusieurs réaménagements d’urgence, dont le rétablissement du tarif d’achat pour les projets de 100 à 250 kWc et une régionalisation des tarifs qui tiendrait compte de leur potentiel d’ensoleillement. Sans cela, les projets prévus dans les régions les moins ensoleillées auraient peu de chance de se réaliser au vu des nouveaux tarifs.
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